Clovis remercie et salue très courtoisement le philosophe de comptoir. Il entreprend de redescendre vers le fameux hôtel, l’esprit chargé de cet événement. Visiblement affecté par ce qu’il vient de vivre. Ou de revivre ? Était-ce un simple rêve ? Une hallucination ? Le fruit d’une imagination galopante ?
Depuis son enfance il n’a jamais été avare en la matière. La formule l’interpelle. Depuis quelque temps, la matière non plus n’est pas avare avec lui. Ces connexions sont de plus en plus fréquentes. Il se dit qu’il est peut-être dérangé. Un brin schizophrène. Il essaie de poser un diagnostic sur son sort et balance tour à tour entre la tare légère et la folie profonde. Entre le Charles Trenet d’Y’a d’la joie et le Jack Nicholson de Shining. Sa raison semble s’effondrer. Et s’il était dingue ?
Il inspire profondément et s’ancre au sol. Il doit retourner aux fondamentaux, il le sait. Pourquoi est-il ici ? Pour étudier l’eau, l’air, la vie. On dirait une pub pour une eau gazeuse. Alors étudions, pense-t-il. Le village est désormais à portée de main. Il est descendu d’un bon pas pour éviter au boîteux toute idée de le filer. Il va aller sur l’une de ces larges berges qui bordent le Tarn, hasarder ses réflexions. Observer. Palper.
Un vol rapide de cormorans le ramène à l’instant. Ici, des libellules libertines, que le printemps inspire, lui apportent un sourire, béat diront les uns, niais penseront les autres. De cela, il se moque.
Il n’enlève pas non plus ses brodequins pour traverser une petite embardée de la rivière entre la rive droite et un banc de sable éphémère où un héron scrute patiemment l’arrivée de sa prochaine victime. C’est la nature même qui a inventé le concept du prêt à emporter.